Une histoire un TEMPS soit peu tendancieuse.

Ou la controverse du carré du marin

 

Les voiles de l’Esterel se sont courues samedi 29 juillet 2023 dans un vent présent dès le départ de la première course et qui a légèrement cru ensuite.

11 concurrents en règle avec les conditions d’inscription ont concouru sous l’égide du comité de course. Ce dernier, stakhanoviste, n’a pas hésité à lancer trois courses dans la journée avec des parcours variés. De quoi épuiser nos valeureux marins qui étaient venus pour en découdre. Heureusement une pause déjeuner entre la deuxième course et la troisième course fut acceptée par le comité qui permis de restaurer les uns et de débarquer un équipier malade sur Marica.

 

Les résultats de l’épreuve ont été calculés par Philippe Walter, d’abord en temps sur temps, puis sur intervention d’un concurrent en temps sur distance. Et les résultats ne semblent pas donner le même vainqueur. Un coup c’est Notos qui arrive premier, un coup, c’est Ile & Aile. De quoi donner le tournis. Pourquoi ce pas de tango ?

 

Temps sur temps ou temps sur distance !  Quesaquo ! Un brin d’histoire.

 

Nos régates acceptent des voiliers de taille et performance différente (en parlant de performance, je ne pense pas aux performances parfois fort différentes des équipages mais seulement aux performances intrinsèques du voilier : il suffit de voir les quelques erreurs de manœuvres dont s’est rendu coupable Carabin pour comprendre). Ceci aboutit à des flottes plus ou moins hétéroclites.

 

Un sage (ou plusieurs sages nommés ORC, IRC ,Osiris …) ont imaginé l’attribution à chaque voilier d’un coefficient correcteur pour établir une certaine parité entre tous ces voiliers. On passe ainsi du temps réel (le premier qui franchit la ligne est premier) au temps compensé qui autorise une confrontation plus royale entre tous ces compétiteurs. On a ainsi handicapé les voiliers les plus rapides pour ne pas défavoriser les plus lents. Bien que soumis à critiques, ce système de jauge nous permet de courir dans de bonnes conditions et rend la course plus équitable.

 

Le copain Freg, un logiciel de la Fédération Française de Voile, avec qui notre comité du jour est fâché, calcule les résultats et détermine instantanément le gagnant.

 

Bien. Si vous suivez, je continue.  Freg nous demande de décider si la course se court en temps sur temps ou temps sur distance. Vous m’en direz tant. Mais cela modifie un tant soit peu le résultat.

Dans le système temps sur temps, que nous utilisons habituellement, on ne tient pas compte de la distance parcourue, et seule la vitesse des bateaux est prise en compte. Mais dans le petit temps, un nouveau coefficient correcteur peut être utilisé en sus, le coefficient de vitesse lente ou CVL, car tous les bateaux ne sont pas égaux en cas de petit temps. (en cas de petite vitesse, certains ralentissent de 3% pendant que d’autres ne ralentissent que de 1%.)  Ce CVL agit automatiquement et progressivement et ne joue pas aux vitesses normales. Il ne fait qu’assurer un plus avec des classements mieux équilibrés en cas de petit temps. L’informatique permet ce calcul sans aucune difficulté. Merci Aspro !

 

Dans le système temps sur distance, la distance du parcours intervient et doit être précisée avant le départ de la course. Il faut donc connaître en milles la distance du parcours. Les connaisseurs disent que ce système donnerait des résultats plus réalistes car il supprimerait l’avantage que les plus petits bateaux possèdent en temps sur temps.  Et que si la course est à vitesse normale, ce système donne sensiblement les mêmes résultats que le temps sur temps. Ce système permet aussi d’organiser des régates à départ décalé où l’arrivée se fera en temps réel. (Dans cette formule, le temps de l’épreuve ne peut pas être connu à l’avance, bien sûr)

Je ne vous ai pas encore perdu… Certains disent aussi que le temps sur temps est favorable lorsque le parcours comporte un ou plusieurs longs bords de louvoyage qui allongent la distance parcourue par rapport à la distance théorique calculée sur la cartographie. Tandis que le système temps sur distance serait plus juste si ce sont de longs bords de largue qui dominent le parcours.

 

Alors qu’en est-il du résultat des Voiles de l’Esterel. Et bien, c’est très simple. Les organisateurs doivent la choisir avant le départ dans l’avis de course ou par avenant. Or nos instructions de course des Voiles de l’Esterel disent clairement que les temps compensés seront calculés en temps sur temps à minima. Dans de telles conditions, et même si certains peuvent se sentir floués, le vainqueur est au final ILE & AILE.

 

En définitive, cela n’était pas nécessaire de vous imposer toute cette prose indigeste. Mais je n’ai pas pu résister.

 

Claude Weisang

Comité de course des Voiles de l’Esterel 2023